Témoignages |
Philippe ARNAULT
Portrait de Roger Plin et évocation de son enseignement du dessin
Je vis tout à coup entrer dans le cours Yvon* un étrange et
grand personnage barbu, vêtu d’une cape bleue et portant un petit
chapeau ; mon camarade inséparable d’alors me dit discrètement
:
-« C’est lui ! »
Le moment d’étonnement passé et rassemblant mon courage,
je m’approchai timidement de Plin, et lui expliquai que je venais du cours
de Créteil, recommandé par son élève Alain Brodzki,
mon premier professeur de dessin ; que je désirais entrer aux Beaux Arts,
dans son cours, et que j’avais avec moi un petit carton de dessins que
je voulais lui montrer. J’avais le cœur battant et n’en menais
pas large, ayant beaucoup entendu parler de sa sévérité
; j’affrontais le « minotaure »…
Ce petit dossier eut l’heur de ne pas trop lui déplaire ; j’avais
donc passé la première épreuve : celle du feu ; je pouvais
souffler ; mon entrée à l’Ecole n’était pas
compromise, et je pourrais peut être rejoindre mon grand ami qui, lui,
avait déjà été admis cette même année
dans ce lieu mythique, avec ce professeur, et avec cette vie d’étudiant
d’art dont je rêvais tant, depuis que j’avais commencé
à dessiner…
Sans le savoir, mais le pressentant, j’étais à l’aube
de onze années d’un voyage initiatique dans un bonheur immense
de l’ordre de la révélation…
Méthode de Roger Plin concernant la pratique du dessin
Nous étions censés lui porter chaque semaine des natures mortes
en valeurs, des études de nus, des pages d’animaux, des musiciens,
des portraits, des paysages, quelques petites compositions, avec des moyens
graphiques variés… Les techniques de dessin que nous employions,
étaient parfaitement à notre convenance ; nous jouissions ainsi
d’une grande liberté et découvrions ébaubis toutes
les ressources de cet art - difficilement sans doute, mais il paraît «
que les talents formés lentement et péniblement sont destinés
à vivre davantage dans leur force et leur ampleur » (Eugène
Delacroix), la preuve, nous sommes encore là, espérant que ceci
nous concerne un petit peu…
Cette formation était cependant tellement vaste et exigeante que la plupart
des amis qui se destinaient à la carrière de peintre attendirent
des années pour se mettre à peindre, et le firent une fois diplômés
en dessin et, après être sortis de l’École.
Pour ma part, je débutai le modelage dès la première année,
sans savoir ou je mettais les pieds… Je pense, à présent,
que des études encore plus poussées en dessin (le dessin étant
effectivement le père de tous les arts) eussent été plus
profitables, que d’y pratiquer autant de modelage et de moulage surtout
; mais c’était sans doute le prix à payer à cette
École merveilleuse, sans véritable direction, ni encadrement pédagogique
; son charme évident aussi ; nous nous y sentions tellement à
notre aise…
Plin, pour sa part, contrairement à Etienne-Martin, avait une méthode
extrêmement complète et personnelle, élaborée au
fil de ses trente années d’enseignement.
Notre maître nous montrait assez peu de la technique du dessin - dont
se gargarisent certains enseignants qui n’ont rien à enseigner
sur l’art du dessin - mais, nous parlait avec feu, de valeurs, d’échelle,
de composition, de largeur d’écriture et de tous les artistes dignes
de ce nom, nous les évoquant avec passion. Il sut ainsi, nous transmettre
une flamme et des connaissances qui brûlent encore en nous ! Jamais nous
ne vîmes du reste, chez aucun autre enseignant, un tel savoir sur l’histoire
du dessin et sur l’histoire de l’art en général.
*lieu historique du nom d’un célèbre Professeur de dessin
à présent oublié, magique et vénérable comme
la Sorbonne, à la lumière incomparable, dédié depuis
un siècle et demi, à l’étude du nu, dont l’ensemble
des bancs en hémicycle avaient vu « s’user des générations
de fonds de culottes d’artistes » -devenus célèbres
pour certains, tel Matisse - et dont une décision administrative imbécile,
sans foi ni loi, a permis de faire scier depuis, l’ensemble de sa structure
en chêne séculaire.
Ses connaissances approfondies et son goût pour les dessins de très
grande facture…
Lors de plusieurs projections qu’il organisa nous prîmes conscience
de ce qu’il nous demandait dans nos études. Les œuvres projetées
étaient triées très savamment, et nous pouvions découvrir
à loisir, les pages des grands florentins, des baroques italiens, (peu
d’écoles allemandes, bien qu’il aimât beaucoup Dürer),
celles de Rembrandt, de Poussin, l’école espagnole avec Goya, et
le seul dessin du Greco, qu’il commenta avec passion. Il aimait particulièrement
les dessins de Watteau, de Rubens, et de Delacroix, artiste sur lequel il a
longuement écrit.
Il appréciait énormément les dessins de Cézanne,
de Van Gogh, de Degas (« de la grande époque ! », selon ses
termes), de Millet, de Toulouse-Lautrec, de Rodin, de Maillol, de Matisse, de
Picasso, de Léger, et, pour les contemporains, de Balthus et de son cher
Maître Zwobada.
Nous pouvions aussi découvrir lors de ces projections, de magnifiques
dessins de ses anciens élèves des « Arts Appliqués
» qui nous paraissaient des chef-d’œuvres à imiter…
Les commentaires du « patron » étaient toujours d’une
justesse, d’une candeur et d’une admiration pour ces maîtres,
qu’il nous galvanisait tous, nous donnant envie de nous surpasser ! Je
crois d’ailleurs qu’une partie essentielle de son enseignement était
basée sur l’enthousiasme pour cette activité, et sur le
dénigrement de ce qui n’appartenait pas à la « grande
création artistique ». Il s’agissait pour lui tout simplement
« d’une porte ouverte ou fermée », pour ainsi dire,
de vie ou de mort. Il était une sorte de « Savonarole » du
dessin.
Nous étions devenus comme lui, d’une exigence folle ; et le sommes
restés ; (il n’y a d’ailleurs à mon sens, qu’une
telle attitude alliée à beaucoup de travail, et à un peu
de talent, pour permettre de créer une œuvre intéressante).
Et, c’est par des formules choc, que notre maître s’ingéniait
à trouver, qu’il marquait nos jeunes esprits lors des corrections.
En ce sens, c’était un vrai professeur qui connaissait bien son
métier, sachant agir tout aussi bien sur la sensibilité artistique
de ses élèves que sur leurs affects…
Nous pouvions entendre alors, pour illustrer ses propos, des adages tels que :
- « Il faut travailler à en retirer. »
- « Moins on voit et mieux on voit. »
- « Avec ce que tu as utilisé comme fusain, Michel Ange eût
dessiné toute son œuvre. »
- « Tu espères trouver des pommes sous des poiriers. »
- « C’est chahuté. »
- « C’est excellent (ce qu’il savait dire quelquefois aussi…).
»
- « Pffouhhh, ça ne marche pas du tout, ça ne compose absolument
pas, garçon ! »
- « C’est bourré d’égalités. »
- « Tes arbres ressemblent à des poireaux. »
- « C’est lourd. »
- « C’est d’une écriture sympathique. »
- « Cela n’a na aucune échelle. »
- « Tu vas me refaire des études, garçon, avec le souci
de tout ce que je t’ai dit. »
- « Il y a des dessins que j’aurais aimé signer. »
Son choix clairvoyant, qu’il opérait parmi les centaines de dessins
que contenaient nos cartons, composait généralement un tas minuscule
d’œuvres retenues - séparant pour ainsi dire le bon grain
de l’ivraie…-, nous nous empressions de l’admirer dans le
carton du camarade qui venait de se faire corriger, et nous nous échangions
quelques unes de ces études, parfois. Son jugement, très dur et
sans appel, lorsque nos œuvres ne convenaient pas, (on avait en général
droit à ce moment là, à une petite tape derrière
la tête), pouvait en décourager plus d’un. Nous devions résister
à ces épreuves initiatiques, et même si, sur un carton,
les choses s’étaient bien passées, rien n’était
sûr, et nous n’étions jamais à l’abri d’un
sabrage ultérieur qui pouvait nous anéantir. Ceux qui l’acceptèrent,
avec ses critiques, sa dureté parfois, sa froideur, son injustice apparente,
progressèrent rapidement et eurent le droit de se faire nommer par leur
prénom… Plin savait aussi apprécier notre travail, photographiant
quelques unes de nos œuvres lors des unités de valeur pédagogiques,
ou des diplômes, ce dont nous n’étions pas peu fiers, en
les montrant pour exemple. Il nous appelait aussi « garçon »,
et se souciait de notre avenir, ce qu’aucun autre professeur ne faisait.
Nous devions songer, selon lui, à nous trouver, un autre métier,
sachant que la vie d’artiste est très dure et ne nourrit que très
rarement son homme…
Notre professeur était finalement extrêmement tendre et attachant
sous le masque de l’austérité ; il nous regardait avec des
yeux étonnés et bienveillants derrière ses lunettes en
se caressant la barbe, et plaisantait avec nous, en fumant une cigarette lorsque
la matinée de correction était terminée ; iI devait nous
aimer… Nous l’aimions nous aussi, bien sûr, même s’il
nous faisait toujours un peu peur s’agissant de notre production car il
valait mieux ne pas s’endormir sur ses lauriers avec Plin, ni être
en « roue libre », comme il disait…
Philippe ARNAULT
L’art de la sculpture selon Roger Plin
Si je prends la décision d’écrire sur la conception qu’avait
Plin de la sculpture, c’est que, s’il s’est beaucoup exprimé
sur l’art du dessin, étant professeur en cette matière,
en revanche, n’étant pas enseignant en sculpture, il n’a,
malheureusement, à ma connaissance, laissé aucun texte où
il s’est exprimé sur celle-ci, qui fut pourtant aussi sa profession.
Si je le rédige aussi, c’est parce que je pense que sa conception
intéressera peut-être certaines personnes, et pourra servir de
base de réflexion et de formation à des amateurs ou à d’éventuels
futurs sculpteurs.
J’ai eu le privilège de recevoir les conseils de mon Maître
pendant onze années, période où j’étais élève
à l’École des Beaux-Arts de Paris, de 1974 à 1982,
et ensuite, chez lui, à Dammartin-sur-Tigeaux dans la Brie, jusqu’en
1985, date de son décès, où j’allais lui rendre visite
de temps en temps en lui portant généralement des cartons à
dessins remplis d’études de toutes sortes, et où je me suis
enhardi - redoutant ses critiques-, à lui monter quelques sculptures.
Aux Beaux-Arts, Professeur de dessin au cours Yvon, les mercredis et jeudis
matin, c’est dans le cadre de l’atelier Etienne-Martin, où
j’étudiais alors le modelage de la figure nue le matin avec ce
dernier, ainsi que le portrait avec Léopold Kretz l’après
midi, et où je pris la liberté de l’emmener quelquefois,
qu’il me fit ses recommandations si sévères, mais si constructives
et déterminantes pour moi.
Les observations que me faisait Plin sur mes études étaient toujours
d’une grande limpidité. Sa méthode - il ne mit jamais la
main à un modelage - était qu’il valait mieux expliquer
clairement les choses, faire ressentir fortement les défauts plutôt
que de faire « le redresseur de figure… », ce qui, selon lui,
ne servait à rien, en ne marquant pas suffisamment les esprits ; en ce
sens, il rejoignait parfaitement Henri Matisse, pour qui le bon enseignant ne
montre rien, mais suggère tout…
Il attirait particulièrement mon attention, quant aux études de
nus, sur les aplombs qui devaient transpercer la figure, sur les profils qui
devaient être grands et simplifiés, « raclés »,
sur les épaisseurs, sur les rapports (les proportions n’étant
plus un mot usité à ce moment-là), et, bien évidemment,
sur la monumentalité, son cheval de bataille !
Pour ce qui est des bustes que je modelais en grand nombre, il m’expliquait
qu’il fallait être détaché du modèle pour bien
voir le fait plastique, et que je devais substituer aux éléments
constitutifs du portrait (cheveux, front, menton, etc…) des sortes de
marches d’escalier, et prenait comme exemple les portraits romans dans
lesquels je devais ressentir cela… Pour moi, qui à l’époque,
aimais tant les bustes de Carpeaux et de Rodin, l’exercice mental et pratique
était des plus difficiles !
Il aimait beaucoup le buste, mais sa conception qui rejoignait beaucoup celle
du sculpteur Marcel Gimond, était de l’ordre de l’épure
et de l’ascèse. Trancher radicalement avec le dix-neuvième
siècle était le maître mot de cette école de la rigueur.
Il ne fallait surtout pas que l’œil de l’élève,
ni celui de l’artiste, fussent « à la traîne avec les
encombrements de la compassion », sinon gare, l’œuvre était
bonne à recycler, à mettre au baquet !
Concernant Rodin, une ou deux pièces seulement à l’étage
du musée trouvaient grâce à ses yeux ; je crois, par la
manière dont il me les décrivit, qu’il s’agissait
de « Fugit amor » d’une part et de « L’enfant
prodigue », d’autre part, toutes deux, effectivement des sculptures
prodigieuses (créées, curieusement, avec un élément
commun…). Son goût était donc des plus pertinents. Pour ma
part, je pense qu’il aimait davantage de sculptures du grand Rodin sans
vouloir le dire… Il n’était pas de bon ton d’aimer
Rodin à l’époque. En revanche, il adorait ses dessins.
Il aimait la sculpture préhistorique, la sculpture grecque archaïque,
l’Assyrie, le Roman, l’art africain, la plupart des expressions
anciennes et primitives. Il appréciait énormément les esquisses
de Carpeaux, et professait une admiration sans bornes, pour l’animalier
Barye ! Il n’aimait pas Bourdelle, « un praticien », selon
ses termes, dont les dessins, contrairement à Rodin, « n’étaient
rien ». Il ne parlait pas de Despiau, ni de Wlérick, ni de Malfray
; pas plus que de Pompon. Il ne parlait pas non plus de Maillol, si ce n’est
de ses dessins, dont il raffolait.
Il n’évoquait pas non plus les noms de Brancusi ni de Zadkine ;
ni non plus ceux de Picasso, de Matisse ou de Giacometti, ou d’autres
peintres s’étant adonnés à la sculpture, l’affaire
était bien trop sérieuse…
Pour les contemporains, seuls Henri Laurens, Marcel Gimond et Jacques Zwobada
trouvaient son assentiment.
Les goûts et l’enseignement en matière de sculpture de Plin étaient donc d’une élévation et d’une rigueur extrêmes ; il voulait atteindre les plus hautes sphères de la création et de la sculpture et désirait pour ses élèves la même chose. Comme Maillol, il détestait la vision du réel et le modelé. Mais il aimait infiniment la forme libre, en témoignent ses Verticales, ses Ondines, ses Christs et une foule d’autres pièces restées à l’état d’ébauches plus que prometteuses.
Comme élève, voilà ce que j’ai retenu de ses paroles :
- Il voulait que « les aplombs transpercent mes figures ».
- Il voulait « de multiples esquisses modelées strictement dans
une optique de monumentalité ».
- « Tout ceci devait être très simple ; le difficile étant
de se débarrasser du compliqué…
- Il me voyait le premier « bustier » de Paris ; je ne voyais vraiment
pas comment… »
Mais, à présent, je crois que Plin - et quelques autres - m’ont apporté des connaissances, et surtout des convictions qui éclairent mon travail et ma vie, et me font penser que la sculpture n’est pas faite pour des générations spontanées ; elle ne se découvre que grâce à l’étude passionnée, persévérante et patiente, unie à la pratique approfondie du dessin. Cet art doit avoir quelque chose de préconçu, qui se sert du réel, et, par l’interprétation, en fait une création originale.
Philippe ARNAULT
Roger Plin, un génie du dessin
Quand le crayon de Plin dessine, sa mine se fait pinceau et elle se fait glaise
- le sculpteur est toujours présent -. Aussi s’empare-t-il alors
totalement de son sujet : grâce à son trait et à son estompe
puissante, il le peint, le dessine, le modèle, le pétrit, le caresse,
de sa main droite, si belle, aux doigts longs et intelligents ; si c’est
un dessin qui surgit, c’est aussi une sorte de sculpture qui sourd.
La trame de son dessin est vibrante, complexe, sensuelle, dense comme la vie
; et ce sont des morceaux énormes, remplis de sang chaud qui s’échappent
de ses mains habiles.
Ce ne sont plus avec lui des lignes savamment et méthodiquement dessinées
qui forment le dessin - encore qu’il sache le faire - mais des fulgurances
de lumières, des contours qui s’ouvrent ou se soulignent, avec
des noirs profonds et veloutés et une palette infinie de gris dont il
connaît toutes les subtilités et les arcanes, qui apparaissent.
Pour Roger Plin, tout est sujet, et le Maître ne craint pas la difficulté
; au contraire, on dirait qu’il la recherche, et qu’il se sent bien
avec elle. Il n’est jamais « en proie à l’idée
fixe », même si ses sujets, il les creuse, et tente de percer le
mur invisible dont parle Van Gogh, qui le sépare de ce qu’il veut,
de ce qu’il peut…
Ainsi, des orchestres, si complexes pourtant, prennent forme sous ses crayons,
des paysages aux noirs rochers, des chevaux à la robe soyeuse, des natures
mortes sombres comme la mort, et les femmes, (l’élément
masculin est bien peu convoqué), minces ou rondes, callipyges ou non,
ont toute son attention et son ardeur sensuelles.
Il est attentif à tout ce que la nature a créé, et rien
ne saurait lui échapper. Il a su tenir le cap de son exigence, et sa
forme n’est jamais allée vers des raccourcis hasardeux qui réduisent
souvent le rêve.
Ses caractéristiques si particulières comme dessinateur, elles
lui viennent de très loin ; il faut remonter aux hommes préhistoriques,
à la puissance charnelle d’ Annibale Carrache, à la fantasmagorie
stylisée du Greco, à l’ampleur de Renoir, et, plus proche
de nous, à la folle passion érotique transfigurée de Zwobada
qui fut son maître - dont il n’a rien à envier - pour le
comprendre.
Il s’inscrit dans la lignée des très grands artistes, voulant
faire partie de cette chaîne ; son style est si personnel et original
qu’il est une sorte de révolutionnaire, et comme tel, est déjà
devenu un classique…
Janvier 2008
Philippe ARNAULT
Hommage à Roger Plin
En touches légères ou appuyées,
En contours fermes ou vaporeux,
Toujours amples, jamais mesquins,
A la manière d’un peintre impressionniste, vous sûtes,
D’une main artiste rarement vue,
Avec un crayon, une sanguine,
Ou un petit morceau de fusain,
Recréer une nature généreuse, où les nuages
Et les Ondines ne font qu’un,
Et où les hauts troncs sombres, en faisceaux de lumière,
Vont se perdre au ciel comme des jambes de géantes.
-Le sculpteur, le statuaire,
Lui, indifféremment,
C’est en formes étroites et cadencées,
Ou en volumes noueux et sensuels, qu’il s’exprime.
- Son goût de la monumentalité s’illustre dans des pièces
Minuscules, parfois, et si dynamiques ;
Admirables sculptures !
Des verticales et des bateaux fantômes se dressent aussi
Tels de noirs clochers.
La terre cuite, le bois, vous les modelez :
Voilà un Christ, une tête de poète, une nageuse céleste…
- Votre œuvre est si pleine de vie,
Si truculente, si poétique ; si sombre, aussi, quelquefois,
Qu’il faut qu’elle éclate à présent !
- Il suffira de la déployer !
Pour montrer au monde, et lui faire comprendre vos espoirs fous,
Votre rêve de créateur, qui fut sans doute inouï,
Sans doute autant qu’un matin de printemps que je goûte ;
Un matin de printemps à Madrid, au Retiro,
Si léger, si lumineux et plein d’espoir,
Même si vous n’êtes plus là,
Pour me guider, m’encourager, ainsi que vous le fîtes,
Et comme personne, depuis.