Témoignages
                                                                                                         







Guillaume BEAUGÉ


Roger PLIN ou la magnificence du corps

Dans ce vingtième siècle qui s’est jeté à corps perdu dans la conquête de l’univers intérieur, sous-tendue, par des recherches formelles qui étaient à l’origine, au service de cet univers, … le corps de l’homme et de la femme passèrent au second plan…

Depuis Masaccio et les grands fresquistes italiens, et pendant cinq cent ans, jusqu’à Manet et Courbet, (Cézanne étant la pierre d’achoppement de quelque chose d’autre), ce corps physique humain fut conjugué, décliné, célébré à longueur de tableaux et monuments sculptés, dont tous musées d’Europe regorgent et s’enorgueillissent, à raison bien sûr…

Le génie, de Vinci à Géricault, en passant par le Titien, Tintoret, Fragonard, Delacroix, Ingres, trouva des résonances cosmiques dans le corps humain représenté, que le monde admire toujours dans les palais et les églises converties en musées.

Cézanne ne fut pas seulement un paysagiste. Il traita aussi de la figure, mais la soumit à un tel point à son univers intérieur que celui-ci, formidable caisse de résonance, incita Picasso et Braque à une curée dionysiaque, où la figure, devenue emblème expressionniste, finit par se perdre dans les méandres du surréalisme, réapparaissant néanmoins par résurgences chez Bacon, Freud ou Basquiat. Grâce à Balthus et Giacometti ; la figure redevint lieu de célébration pour l’un, et d’étude métaphysique pour l’autre.

Étienne-Martin et Jacques Zwobada remirent la figure au centre de la stèle, que Julio González, Zadkine et Picasso avaient instaurée en principe de vide en sculpture.

Roger PLIN, digne fils de Zwobada, se consacra à la figure, et notamment au nu. Admirablement initié, ce qui lui permit à son tour de former toute une génération de jeunes, il eut les exigences et les réussites d’un véritable créateur contemporain… L’esprit de concentration et de synthèse du bloc allié à une terrible recherche d’espace et d’échelle l’amena à des résultats que Maillol ou Laurens n’auraient sûrement pas reniés…

Le résultat, que tout le monde peut voir, est la magnificence du corps en ce vingt et unième siècle, sorte de célébration païenne que Bachelard salua dans les années soixante, ainsi que Stanislas Fumet, grand célébrateur de Braque.

Sa destinée ne lui permit pas de passer le cap des cinquante premières années d’arts plastiques, qui sont, dixit Jacques Villon, les plus dures pour un créateur !….

Nous le regrettons, mais l’œuvre est là, puissante…

Roger PLIN, patron d’atelier

La ferveur de Roger PLIN, sa passion du bloc que le moindre contact avec lui trahissait, s’alliait à une exigence communicative et pédagogique phénoménale…

Paroles sidérantes d’un praticien dont on savait qu’elles venaient droit de l’atelier et de l’expérience d’un homme sincère et vrai…

Paroles qui déclenchaient chez les jeunes des vocations en cascades de dessinateurs médusés…

Paroles dont on savait qu’elles n’étaient pas d’un professeur ordinaire, mais d’un sculpteur abreuvé aux grandes sources, pouvant faire accéder au grand métier, celui dont toute une génération avait soif, passeport nécessaire pour comprendre Picasso, Matisse, Braque et Laurens.

Ainsi, il suffisait de pénétrer dans l’atelier pour voir que, foin de toute théorie, le sculpteur parlait vrai.


Décembre 2007